Exode des médecins burundais : quelles sont les raisons de cette hémorragie ?

Alors que l’Organisation mondiale de la santé fixe l’objectif de 1 médecin pour 10 000 habitants, le Burundi avait 0,3 médecin pour 10 000 habitants en 2004 contre 0,1 médecin pour 10 000 habitants aujourd’hui en 2018. Qu’est-ce qui pousse les jeunes disciples d’Hippocrate à s’exiler ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2017, on comptait plus de 100 médecins spécialistes burundais exerçant en France. Un autre exemple : tandis que beaucoup d’enfants avec des cancers congénitaux au Burundi meurent faute d’un spécialiste en la matière, un pédiatre oncologue burundais fait des miracles de l’autre côté de la Kanyaru à l’hôpital de district de Burera.

Ce médecin est parmi une centaine d’autres qui y travaillent depuis surtout 2015, comme le précise Dr Diane Kaneza, une Burundaise exerçant à l’hôpital de Kibagabaga au Rwanda. « Dans presque chaque hôpital au Rwanda, il y a un médecin burundais. Ici à Kibagabaga, nous sommes au nombre de deux, il y a en 12 à l’hôpital Masaka à Kigali, 12 dans le district sanitaire de Nyagatare et 11 à Kirehe dans l’est du Rwanda », énumère-t-elle.

Quelles sont les raisons de cet exode ?

Il ne faut pas chercher très loin. Par crainte du chômage, des difficiles conditions de vie et de travail, des jeunes médecins, quel que soit leur attachement à la nation, préfèrent s’expatrier. Dr Thiery est un médecin burundais travaillant au Rwanda. Pour lui, les honoraires du médecin au Burundi ne lui permettent pas de nouer les deux bouts du mois. « Comment ne pas avoir envie de partir lorsqu’on sait que les confrères qui exercent au Kenya ou au Rwanda touchent le double de notre salaire ? Maintenant, je touche 340 000 frw qui équivalent à 1 200 000 Fbu contre 470 000 fbu que je touchais au Burundi », s’exclame-t-il, sourire aux lèvres.

Pour Dr Inès (pseudo), travaillant dans un hôpital de l’intérieur du pays au Burundi, l’exode de médecins est inévitable : « Vu que le pays ne veut pas engager les médecins qu’il a formés lui-même, et que même ceux qui sont engagés travaillent dans des hôpitaux mal équipés, tenter sa chance ailleurs est compréhensible pour ceux qui en ont l’opportunité ».

Pour ma part, en tant qu’aspirant médecin, je pense qu’il est urgent de stopper cette fuite des médecins et de tous les autres cerveaux. Cela implique entre autres des réformes institutionnelles pour promouvoir l’investissement et l’entrepreneuriat, la valorisation du mérite et de la compétence, la stabilité politique et le redressement économique du pays, … Tous ces facteurs créent un environnement attractif aussi bien pour la diaspora désirant revenir, qu’aux locaux devant être convaincus de rester sur place.